Que pensez-vous du Prix Nobel de Médecine 2023 ?

Voici la question que la plupart de mes interlocuteurs et amis me posent, s’attendant certainement à ce que je fasse une réponse scandalisée…

Et bien non, à l’étonnement de beaucoup d’entre eux, je ne suis pas scandalisé. Le travail des lauréats a ouvert une voie très prometteuse vers une utilisation médicale des ARN messagers (ARNm) qui pourrait s’avérer providentielle dans le domaine de la « protein replacement therapy (PRT) » ou thérapie de remplacement protéinique dont on attend beaucoup pour le traitement de certains cancers et des maladies chroniques sévères comme l’épidermolyse bulleuse dystrophique et, peut-être un jour, la sclérose en plaques, les maladies de Parkinson et d’Alzheimer. En tout cas, ces travaux ont rendu envisageable une approche de ce type. A cet égard, on doit saluer cette avancée.

En effet, utiliser un ARNm pour faire produire par les cellules d’un patient gravement malade une protéine qu’il est incapable de produire spontanément en quantité suffisante ou incapable de produire du tout, ou encore pour faire produire par le malade une protéine aux vertus curatives, est une avancée magnifique vers une guérison ou, tout au moins, une rémission de maladies réputées incurables.

La difficulté technique avec cette approche, c’est l’extrême instabilité de l’ARN. Notre organisme produit en permanence des ribonucléases, enzymes qui détruisent les macromolécules d’ARN. Elles ont essentiellement (mais pas uniquement) pour raison d’être d’inactiver très rapidement les ARN messagers pour assurer la brièveté des messages (1) et également pour défendre l’organisme contre les virus à ARN.

En résumant à outrance le travail des chercheurs, on peut dire qu’ils ont mis au point une technique de fabrication des ARN messagers faisant intervenir des analogues fonctionnels des composants de l’ARN (2) qui ne modifient pas le codage de la protéine correspondante mais rendent l’ARNm beaucoup plus résistant aux ribonucléases.

Durant les premiers temps de l’usage des vaccins à ARNm, la version officielle du remplacement des composants par des analogues était que cela permettait d’atténuer l’activité immunostimulante intrinsèque de l’ARNm exogène et de limiter la stimulation immunitaire indésirable. On sait aujourd’hui que le rôle principal de ces remplacements est d’accroître la stabilité et l’efficacité de la traduction des ARN messagers exogènes en les stabilisant dans le temps.

Au passage, rappelons le déni initial, tant de Pfizer que de Moderna concernant la durée de stabilité des ARN messagers vaccinaux dans l’organisme vacciné. Cette stabilité est en effet une des premières critiques concernant le manque de contrôle de la protéine spike après sa production par les cellules du vacciné.

Si on s’en tient à la thérapie anti-cancer, on parle bien ici d’une approche curative, applicable chez une personne malade. Si des risques sont inhérents à l’utilisation intra-corporelle de précurseurs génétiques (les ARNm), ces risques ne pèsent pas lourd face aux effets de la maladie.

Autre chose est le développement d’un vaccin qui, par définition, s’adresse à des personnes non-malades, et constitue donc une prophylaxie, une prévention, une protection. « Primum non nocere », tout d’abord ne pas nuire. C’est pourquoi ce qui est choquant, c’est la formulation des mérites des lauréats du Prix Nobel, qui est focalisée non pas sur le potentiel anti-cancéreux mais sur la vaccination anti-Covid.

« The Nobel Assembly at Karolinska Institutet has today decided to award the 2023 Nobel Prize in Physiology or Medicine jointly to Katalin Karikó and Drew Weissman for their discoveries concerning nucleoside base modifications that enabled the development of effective mRNA vaccines against COVID-19. The discoveries by the two Nobel Prize laureates were critical for developing effective mRNA vaccines against COVID-19 during the pandemic that began in early 2020. Through their groundbreaking findings, which have fundamentally changed our understanding of how mRNA interacts with our immune system, the laureates contributed to the unprecedented rate of vaccine development during one of the greatest threats to human health in modern times ».

Le communiqué du journal Science se félicite même du fait que les travaux primes ont contribué à augmenter significativement le taux de vaccination et à réduire ce qu’on appelle aujourd’hui l’hésitation vaccinale…

« Aside from honoring a discovery that opened a new research avenue, the Nobel Prize might have a practical impact on uptake of COVID-19 vaccines, suggests Olle Kämpe, vice chair of the committee that chose the winners of this year’s award. Although Kämpe believes it’s unlikely that people who are firmly against vaccines will have second thoughts, he expects “giving a Nobel Prize for this COVID-19 vaccine can make hesitant people take the vaccine and be sure that it’s very efficient and it’s safe” » (Science, Oct 2, 2023).

De là à penser que l’attribution du Prix Nobel de Médecine aux chercheurs qui ont permis le développement du vaccin anti-Covid-19, donnant à celui-ci une respectabilité sans faille permettant l’évacuation de tout débat, il n’y a évidemment qu’un pas…



(1) Pour être efficace et modulable, un message moléculaire doit avoir une existence courte. Si le message doit durer, il faut le renouveler. Les ARN messagers ont donc une demi-vie très courte.

(2) L’uridine est remplacée par la N1-méthylpseudouridine et la cytidine par la 5’-méthylcytidine. Sans entrer dans les détails, précisons également que ce qu’on appelle la « coiffe (cap) » de l’ARN messager est, elle aussi, modifiée tout en préservant sa fonction. Les lecteurs intéressés trouveront une remarquable synthèse de toutes ces notions dans cet article.

8 commentaires sur “Que pensez-vous du Prix Nobel de Médecine 2023 ?

  1. corinnebalthasart

    Bonsoir,

    Merci pour ces explications nuancées.

    Je voudrais vous poser une question à propos de la spike : existe-t-il une analyse biologique, sérologique ou génétique permettant de savoir si la spike est dans notre corps ?

    Un tout grand merci d’avance.

    Bien cordialement,

    Corinne Balthasart
    Grivegnée

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    1. Oui, car ‘spike’ est un antigène, mais ce n’est pas si simple, surtout si elle est accrochée à son récepteur sur les cellules de la paroi des vaisseaux, par exemple, et ne circule pas librement. De la ‘spike’ circulante peut être détectée dans le sang ou les urines grâce à un anticorps spécifique. La ‘spike’ immobilisée dans des tissus est beaucoup plus difficile à détecter car cela nécessite des techniques invasives (biopsies) qu’on ne peut utiliser chez une personne sans motivation impérieuse.

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      1. corinnebalthasart

        Merci beaucoup pour votre réponse !

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  2. Svetlana Roudyk

    Malgré l’accumulation de preuves des effets secondaires graves de ces « vaccins » on continue à les vanter. C’est inouï !

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  3. AGHION Jacques

    Les responsables – administratifs ? Scientifiques ? – du Karolinska Institutet de Stockholm ont-ils trahi l’idéal d’Alfred NOBEL en attribuant le prix de physiologie et médecine cette année 2023 ?
    Dans une traduction en Français, le testament de NOBEL propose que les prix soient décernés « [aux personnes] qui ont fait la découverte la plus intéressante » en l’occurrence « dans le domaine de la physiologie ou de la médecine ».
    En admettant la fidélité de la traduction, quelle est la découverte récente la plus importante en médecine ? Les concepteurs et distributeurs des vaccins à RNAm comme l’Organisation Mondiale de la Santé publient des nombres de personnes sauvées par cette vaccination. Ces nombres sont trop divers et suffisamment vagues pour être tant soit peu crédibles.
    Ces pseudo-informations sont publiées sans discussions par des journaux scientifiques prestigieux comme Science dont le facteur d’impact est d’environ 40 – un facteur d’impact supérieur à 3 est considéré flatteur.
    Devant un tel raz-de-marée d’informations mal étayées, les autorités de l’Institut se sont-ils crus incapables de remonter une marée populaire aussi puissante ?
    Ou plutôt, considérant – comme l’auteur du blog – l’énorme impact possible des thérapies à RNAm, ont-ils surtout vu et n’ont-ils mentionné les avantages de la vaccination que pour être en quelque sorte adoubés par le grand public ? Les discours des lauréats seront intéressants à écouter, à lire, à commenter.

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  4. Monsieur le Professeur,

    Vous terminez votre article par “De là à penser que l’attribution du Prix Nobel de Médecine aux chercheurs qui ont permis le développement du vaccin anti-Covid-19, donnant à celui-ci une respectabilité sans faille permettant l’évacuation de tout débat, il n’y a évidemment qu’un pas…”.

    Sauf naïveté vraiment extrême, j’imagine que vous l’aurez franchi (le pas) …

    De l’agence Reuters :
    “Le prix Nobel 2023 de physiologie ou de médecine a été attribué à Katalin Karikó et Drew Weissman pour leurs découvertes concernant les modifications de bases nucléosidiques QUI ONT PERMIS le développement de vaccins ARNm EFFICACES contre le COVID-19”, a indiqué la fondation (Nobel).

    Katalin Karikó est généralement présentée comme ayant “occupé jusqu’en 2022 le poste de vice-présidente chez BioNTech, qui a développé avec Pfizer un vaccin à ARNm contre le COVID-19. Elle agit depuis en tant que consultante auprès de l’entreprise”.

    Drew Weissman, dans un article paru dans Nature en 2018, aurait émis un “avertissement honnête” sur la toxicité potentielle des vaccins ARNm, énumérant spécifiquement les réponses hyperinflammatoires, le déclenchement d’une auto-immunité et la thrombose, évoquant “la persistance de l’immunogène exprimé, la stimulation d’anticorps auto-réactifs et les effets toxiques potentiels de tout nucléotide non natif et des composants du système d’administration”. “L’ARN extracellulaire lors de la vaccination ARNm pourrait provoquer coagulation sanguine et formation pathologique de thromboses”.

    Ces deux vénérables « chercheurs » ont tous deux accepté un prix Nobel annoncé, sans retenue, comme une propagande pour le vaccin : « Ce prix », est-il espéré par le comité Nobel, “pourrait inciter les personnes hésitantes à se faire vacciner et à s’assurer de l’efficacité et de la sécurité du vaccin”.

    Au moment même où la campagne de (re-re-re)vaccination semble avoir sombré partout ?

    Se réjouir des progrès de la médecine est une (bonne) chose, mais de pareil dévoiement d’un instrument comme le prix Nobel, je n’y arrive pas.

    Cordialement,
    GH Lambert

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  5. […] On se souviendra en effet que, pour des raisons de stabilité de l’ARN utilisé dans le processus de vaccination anti-Covid-19, certains composants de cet ARN synthétique ont été remplacés par des analogues. […]

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  6. […] études sur l’utilisation d’ARNm comme outil thérapeutique et elle a valu à ses développeurs le prix Nobel de Médecine 2023, essentiellement en raison de l’application qui en a été faite pour les vaccins […]

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