Un avenir radieux pour les vaccins à ARNm ?

« L’avenir radieux des vaccins à ARN messager ». C’est le titre d’un article paru ce 10 juin 2023 dans la revue Mediquality et qui illustre à merveille combien la confusion des termes peut entraîner une confusion des concepts et, partant, des stratégies comme celle qu’il faut établir en matière de santé publique.

Quelle confusion ?

  • Qu’est-ce qu’un vaccin ?

Un vaccin est une préparation biologique qui confère une immunité active acquise contre un agent infectieux particulier responsable démontré d’une maladie. 

Un vaccin contient généralement un agent dit immunogène qui ressemble à un micro-organisme pathogène et qui est souvent fabriqué à partir de formes affaiblies ou tuées du microbe, de ses toxines ou de l’une de ses protéines de surface.

La vaccination est une immunisation volontaire qui stimule des composants du système immunitaire du vacciné pour qu’en cas de rencontre avec l’agent infectieux en question, ce dernier soit reconnu comme si c’était la deuxième fois qu’il agresse l’individu, provoquant ainsi une réponse dite secondaire, plus rapide et plus intense que la réponse primaire.

Le vacciné se trouve, en principe, dans la même situation que s’il avait survécu à une première infection par cet agent et qu’il en était guéri.

  • Qu’est-ce qu’un vaccin à ARN messager ?

Ce qu’on appelle vaccin à ARN messager n’est pas, à proprement parler, un vaccin au sens de la définition qui précède. 

Cette remarque préliminaire n’est en rien le reflet d’un mauvais esprit ou de la volonté d’être un rabat-joie, ni même de contester l’efficacité d’un tel produit (ce qui est une question également importante, mais qui dépasse mon propos de ce jour), c’est celui d’une perpétuelle insistance pour que soit observée la rigueur des termes en science, comme en toute chose, d’ailleurs.

En effet, dans le cas de la « vaccination par ARN messager » (1), la nouveauté est que la préparation biologique injectée n’est pas la protéine immunogène elle-même, mais un précurseur moléculaire qui sera ‘ingéré’ par des cellules du sujet qui a reçu l’injection et dans lesquelles il va faire procéder à la synthèse de la protéine immunogène elle-même, donc du réel vaccin.

A cette objection, des scientifiques, même parmi les plus compétents, m’opposent la critique d’être puriste et chipoteur, et prétendent que seul le résultat compte. Quel que soit ce résultat et indépendamment du fait qu’il soit satisfaisant ou non, ce qui est un autre débat (2), je reste convaincu de la non-interchangeabilité des termes si on veut éviter la confusion des esprits.

Il y a donc une étape supplémentaire par rapport aux vaccinations classiques dans le processus-même de production du vaccin immunogène dont la qualité d’exécution a toute son importance pour la suite du processus d’immunisation volontaire. Garder en mémoire cette particularité permet de rester vigilant quant au devenir du produit injecté et à ses conséquences, une préoccupation de santé publique qui ne peut être négligée.

  • Qu’est-ce qu’un « vaccin anti-cancer » ?

Dans ce cas-ci, on n’en est plus à discuter du caractère approximatif du terme comme dans la prévention d’une maladie infectieuse. Ici, le terme utilisé est totalement impropre. Ce dont on parle est en réalité non pas une prévention de maladie, mais une tentative de thérapie génique. Les puristes – dont je dois certainement faire partie – préféreront l’appellation « thérapie moléculaire », l’ARN messager n’étant pas un (ou des) gène(s) au sens strict mais en tout cas il ne s’agit en rien d’une « prévention ». Peut-être est-ce le caractère angoissant de l’expression « thérapie génique » qui a amené les développeurs de cette approche effectivement fascinante à la dénommer « vaccin anti-cancer ». Ou peut-être est-ce la bonne réputation aujourd’hui séculaire et méritée des vaccins en général…

Toujours est-il qu’il ne s’agit pas le moins du monde d’un « vaccin ». L’objectif n’est pas de produire un immunogène ni d’immuniser contre quoi que ce soit. L’objectif parfaitement louable et fascinant est d’apporter au processus cancéreux un correctif au moyen d’une protéine particulière, codée par l’ARN messager. L’avenir de cette technologie apparaît donc effectivement radieux en regard de la situation dans laquelle se trouve la personne cancéreuse. Toutefois, elle s’adresse à un individu déjà malade et un à la fois.

  • Pourquoi s’inquiéter de l’usage impropre de l’appellation ‘vaccin’ accordée aux RNA messagers anti-cancer ?

Parce que ce glissement sémantique installe dans une même logique deux approches médicales fondamentalement différentes. L’une vise à protéger des individus sains (3) contre une maladie infectieuse potentielle, il s’agit donc d’une démarche de prévention ou prophylactique. L’autre tente d’apporter une solution biologique moléculaire permettant de guérir une maladie en cours, il s’agit de soins à personne malade, donc d’une démarche thérapeutique. Ce glissement entraîne un risque évident qui consiste à « tout mettre dans le même sac ».

La conséquence de ce risque, c’est d’étendre automatiquement aux immunisations par précurseur ARN messager « l’avenir radieux » qu’on peut espérer pour la thérapie des cancers. L’objectif n’est pas le même, l’enjeu n’est pas le même, la population-cible n’est pas la même, la politique sanitaire n’est pas du tout la même. En aucun cas il ne faut se servir d’un éventuel succès de l’un pour justifier l’autre.


Notes :

(1) Quoiqu’un peu différente, la « vaccination » commercialisée par Astra-Zeneca et par Janssen/Johnson & Johnson, qui utilise un vecteur adénoviral de chimpanzé, est basée sur un ADN et non un ARN messager mais, sans entrer dans les détails techniques, constitue elle aussi un précurseur génétique de vaccin.

(2) c’est également un autre débat de savoir si le risque de la vaccination supplante ou non celui de la maladie qu’elle est censée combattre.

(3) et, comme on vient de le vivre, à protéger l’humanité tout entière…

5 commentaires sur “Un avenir radieux pour les vaccins à ARNm ?

  1. Laurence Fanuel

    Sur la question du so-called vaccin à ARNmessager, on ne maitrise aucun de 3 paramètres pourtant clé en pharmacologie, à savoir : la dose (et oui, combien de ces protéines spikes sont produites dans un corps), le lieu où sera produite la fameuse spike, et combien de temps. Il me semble qu’avec un développement de moins de 6 mois et sans avoir réalisé la phase 3 des tests, vu la variabilité génétique des humains, il me semble vraisemblable de dire que personne n’a la réponse à ces 3 questions. Amicalement, Lo (suite aux autopsies, on commence à savoir où c’est produit …. affaire à suivre …)

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  2. Marie

    Merci! Voilà que je comprends enfin ce qu’est un ANRm!

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  3. Svetlana Roudyk

    Big Pharma a externalisé la production des vaccins contre la covid 19 en nous transformant en mini-usines de fabrication des protéines spikes ( vaccins) avec rendement variable et conséquences non-maîtrisées. Tout le monde (presque) a approuvé le procédé.

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  4. Jean-Philippe Gerkens

    Je souscris à votre purisme bernard, et je pense même que le glissement sémantique n’a rien d’innocent. Dès lors, dans ce paragraphe de votre plume:

    « En effet, dans le cas de la vaccination par ARN messager (1), la nouveauté est que la préparation biologique injectée n’est pas la protéine immunogène elle-même, mais un précurseur moléculaire qui sera ingéré par des cellules du vacciné où il va faire procéder à la synthèse de la protéine immunogène elle-même, donc du réel vaccin. »

    …je remplacerais « vaccination » par « thérapie » et « cellules du vacciné » par « cellules du sujet ». De la sorte, vous évitez de réinstaller malgré vous la confusion que d’autres ont mis tant de soin à instiller dans les esprit les plus vigilants.

    Je suis vos bonnes recommandations à la lettre 😉

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    1. Merci, il faut en effet être consistant jusque dans les détails, c’est bien l’idée. J’avais déjà, suite à une autre intervention, changé « cellules du vacciné » pour « cellules du sujet inoculé ». Je ne puis cependant remplacer « vaccination » par « thérapie » puisque ce n’est une thérapie que s’il y a maladie… Donc oui dans le cas du cancer, il s’agit d’une thérapie. Mais pas dans le cas de la manœuvre d’immunisation contre un agent infectieux chez une personne ‘saine’. L’intention, dans ce cas, est bien de vacciner, que le matériel injecté soit un immunogène ou un précurseur d’immunogène. Et quelle que soit l’efficacité de la manœuvre…

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