Pas si vite…

Nous parlons depuis quelque temps de taux de positivité des tests de la COVID-19. On est bien d’accord, je pense, depuis quelques jours, que c’est une notion importante pour relativiser les choses. Si on a 500 «nouveaux cas», c’est à dire nouveaux tests positifs, il est utile de savoir si c’est sur 1.000 tests effectués ou sur 20.000… en effet, dans ces deux situations, le taux de positivité est de 50% ou de 2,5%, respectivement. Ce n’est pas anodin. Il me semble qu’en outre, c’est criant de bon sens. C’est une notion dont nous disposons enfin et j’en suis ravi. Elle permet de comparer, par exemple, deux villes, deux provinces, deux pays et de rapporter le nombre de positifs au nombre de tests réalisés. Si on teste beaucoup ou peu, ça change la perspective du simple nombre absolu, sans référence.

Mais il ne faut pas non plus vouloir faire dire à ce ratio ce qu’il ne peut pas dire. Dans le cas qui nous occupe, j’entends déjà certains dire que le taux de positivité représenterait l’incidence, voire même la prévalence de la COVID-19 en Belgique. C’est terriblement abusif.

En réalité, pour mesurer l’incidence d’un agent infectieux dans une population, donc la proportion de nouveaux cas, il faut utiliser un échantillon représentatif, c’est à dire tiré au hasard dans cette population.

Si un échantillon est formé sur base d’autres critères que le hasard et quel que soit l’intérêt de ces autres critères et leur bien fondé, l’échantillon sera biaisé et non-représentatif. Par conséquent, il ne pourra pas être utilisé pour constituer une évaluation fidèle de l’incidence dans la population.

Aujourd’hui, en Belgique, on ne teste pas au hasard mais selon d’autres critères, tels que la présence de symptômes, la suspicion de contamination, la fonction de personnel soignant, le retour de ou les départ en vacances, etc. Ces choix, aussi justifiés soient-ils, biaisent les échantillons et ne permettent pas l’extrapolation à la population tout entière. En outre, les choix opérés au printemps 2020 ne sont pas les mêmes qu’en été. Nous ne sommes donc pas dans un contexte méthodologique homogène.

Pour suivre scientifiquement l’évolution de l’épidémie en Belgique, il faudrait constituer périodiquement des échantillons représentatifs (au hasard donc) de la population, de l’ordre de 2.000 (avec la technique des «pooled samples», c’est très faisable) et les tester, en plus et indépendamment des autres tests. Le pourcentage de positifs pourrait alors être utilisé pour estimer le pourcentage de nouvelles infections et permettrait enfin de suivre sérieusement l’évolution de l’épidémie.

[Merci à Christian Gravet pour la discussion sur cette mise au point.]

8 commentaires sur “Pas si vite…

  1. Dieudo Leclercq

    Texte à citer (encadré) dans tout cours sur les échantillonnages. Cette procédure décrite par Bernard (pooled samples) sera peut-être appliquée un de ces jours si la situation sanitaire continue à être aussi incertaine (et inconnue). Dieudo L

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  2. L’illustration est très belle.

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  3. Merci pour vos éclairantes analyses. J’aimerais vous poser une question à propos de ce taux de positivité. Peut-on y voir un indicateur de la capacité des experts à trouver le virus ? Comment se fait-il que l’on trouve si peu de cas positifs ? Est-ce parce que l’on ne sait pas du tout où les chercher ? Que les chaines de transmission restent inconnues ? Je suis un peu étonné lorsque certains se félicitent que ce taux diminue alors que cela indique également que la proportion de tests effectués inutilement augmentent. De plus, si l’on combine cela avec le nombre de personnes qui auraient été en contact avec le virus ( 800.000 d’après les données sérologiques ?), la question devient plus perturbante encore: comment se fait-il que sur les 800.000 personnes infectées, les tests ne permettent d’en retrouver que 70.000 ? Pouvez-vous nous ouvrir votre savoir sur ce double point ?

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    1. Ce n’est pas qu’une question !!
      « Peut-on y voir un indicateur de la capacité des experts à trouver le virus ? »
      Non, à mon avis. Le confinement a empêché le virus de trouver des victimes. Avec le déconfinement, il peut enfin. Mais les fameux gestes barrières (distanciation, masques) l’empêchent de se répandre en une flambée. Le taux de positivité est passé de 0,7 à 3,5 en quelques semaines. Ça augmente donc, ce qui est normal, mais lentement, en raison des mesures. Sauf dans les ‘foyers’ où on ne prend pas de précautions et où ça va plus vite. Que la population infectée augmente, ce n’est pas grave, contrairement à ce qu’on nous serine, du moment que les hôpitaux soient prêts à gérer un flux.
      « Comment se fait-il que l’on trouve si peu de cas positifs ? »
      Je viens de l’expliquer.
      Est-ce parce que l’on ne sait pas du tout où les chercher ? »
      Non.
      « Que les chaines de transmission restent inconnues ? »
      Non.
      « Je suis un peu étonné lorsque certains se félicitent que ce taux diminue alors que cela indique également que la proportion de tests effectués inutilement augmentent. »
      Moi aussi. Ça veut dire que l’effet confinement reprend.
      De plus, si l’on combine cela avec le nombre de personnes qui auraient été en contact avec le virus ( 800.000 d’après les données sérologiques ?), la question devient plus perturbante encore: comment se fait-il que sur les 800.000 personnes infectées, les tests ne permettent d’en retrouver que 70.000 ? »
      Les tests de détection (on cherche le virus), à ne pas confondre avec les tests sérologiques (on cherche les anticorps) deviennent négatifs quand le virus est vaincu. À ce moment, le patient a fait des anticorps et devient ainsi ‘séropositif’.

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      1. J’aimerais reposer mes deux questions autrement si vous le permettez car elles me taraudent beaucoup et vos réponses n’étanchent pas ma soif. 1. Un taux de positivité c’est bien le nombre de positif sur le nombre testé. L’objectif est tout de même de trouver les positifs. Si on en trouve 0,7 ou 3,5 sur 100, comment ne pas y voir un échec de la méthode de recherche ? 2. Je pense bien percevoir la distinction entre les deux types de tests, ma question porte plutôt sur l’étonnant fossé entre les deux résultats. 800.000 séropositifs, cela ne signifie-t-il pas qu’il y a eu 800.000 infectés ? Si oui, comment expliquer qu’on en retrouve seulement 70.000 autrement qu’en disant qu’on ne sait pas où les chercher ? (dire que les deux tests ne sont pas les mêmes permet éventuellement d’expliquer un écart, mais c’est l’ordre de grandeur qui m’étonne. Il s’agit bien, dans un cas, comme dans l’autre, de chiffres globaux depuis le début de l’épidémie).

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      2. 1. Parce qu’il n’y en a apparemment que 3,5%. Quoi d’anormal? On a tout fait depuis le 15 mars pour éviter que ça augmente… Pas d’échec de recherche là-dedans.
        2. Séropositif veut dire: qui a développé des anticorps contre le virus. Ça se détecte aussi quand le virus n’est plus là. Aujourd’hui, la grande majorité des gens qui ont des anticorps n’hébergent plus le virus. Certains depuis longtemps. Tout cela est parfaitement normal.

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  4. ralphzblog

    Très bel article. Question à part : comptez-vous également discuter du futur vaccin ? Aujourd’hui nous venons d’apprendre que l’UE (et la Belgique) pré-commandent des millions de doses auprès d’AstraZeneca, avec un contrat stipulant clairement que le fabricant n’aura pas à payer en cas d’effets secondaires nocifs. Ce sera aux Etats (donc nous, les contribuables) de dédommager les victimes, pour un vaccin déjà financé avec notre argent. C’est le même genre de contrat que celui établi en 2010 entre la Belgique et GSK pour le vaccin contre la Grippe A (H1N1).
    A moins que nos responsables ne nous garantissent que la vaccination restera sur base volontaire, ce sera là le prochain grand débat de cette pandémie…

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  5. […] libre vis-à-vis des personnes à risque, mais commençons par faire ce que je réclamais déjà il y a un an : un état des lieux de l’immunité naturelle dans la population. Nous ne disposons toujours pas […]

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